Pourriez-vous croire qu’au sein des communautés de pêcheurs de Madagascar, il existe des leaders? Et bien oui, il en existe plusieurs. Nous sommes partis à la rencontre de quatre leaders LMMA dans le Nord-Ouest de Madagascar, pour qu’ils puissent vous raconter leurs visions du leadership, leur mode de vie en tant que leaders, les défis qu’ils rencontrent et bien plus…
Qu’est ce qu’un Leader LMMA?
En entendant les mots “leader”, nous avons directement en tête l’image de ces personnalités, toujours tirés à quatre épingles, les PDG, les directeurs, les cadres d’entreprises, etc. Une personne a des capacités de leadership s’il peut guider, influencer ou inspirer un groupe d’individus ou une organisation.
Si l’on tient compte de cette définition, alors dans le monde de la gestion locale des ressources marines, nous avons aussi des leaders. Il ne se trouvent pas plus loin que parmis les membres de communautés gestionnaires d’aires marines (LMMA). Ces leaders sont souvent à la tête d’une centaines de personnes, par association, qui s'appuient totalement sur leurs savoir-faire traditionnel.
Premières impressions
Remarquable de part leur élocution, avec une posture droite, le regard à la fois bienveillant mais déterminé, la voix posée, ces hommes ne laissent décidément pas indifférents !
Edmond Ramadany d’Ambilobe, un homme d’une soixantaine d’années, se distingue par son amabilité. Félix d’Ambanja, bien plus jeune, a plus de fougue et un timbre de voix plus sonore. Eric de Nosy Be, quant à lui, est l’homme heureux de la situation, toujours avec le sourire et chantant dès qu’il le peut. Enfin, Razafy Michel de Mahajanga, est un sexagenaire bien connu des communautes du Boeny.
Pêcheurs, mais pas que…
Réunis au sein de MIHARI, ils sont avant tout pêcheurs. Nourrir la famille, éduquer les enfants est un défi quotidien pour chacun d’entre eux.
Si pour la plupart des gens, l’activité continue quelque soit le temps qu’il fait, la leur dépend totalement de la météo et plus précisément du vent et de l’agitation de la mer. Edmond nous raconte une journée de pêche : « Je me réveille à 4h et je pars prier. Ensuite je reviens chez moi, je rafistole les trous de mon filet et je m’en vais pêcher pendant 2 à 3 heures selon la météo. Ce que je préfère pêcher, ce sont les maquereaux, à partir du mois d’avril, au moment de la venue du vent d’Est « Varatraza ». Nous partons en équipe de 30 à 40 pirogues, de 2 ou 4 personnes par pirogue pour chaque sortie. Nous pouvons capturer de 300 à 400 kg de poissons par pirogue pendant les beaux jours ! »
Leadership bien ancré
Ces leaders LMMA ne sont pas là par hasard et ont chacun leur propre vision du rôle d’un leader, au sein de leurs communautés respectives.
Si Eric le conçoit comme un don de mère nature qui entraîne, par conséquent, un devoir envers la communauté, pour Razafy Michel cela a toujours été une évidence : « Depuis tout jeune, alors que je travaillais encore dans les cimenteries, j’aimais déjà m’investir dans des associations oeuvrant pour l’agriculture et la pêche.»
Félix est plus pragmatique : « on nous considère comme des leaders, parce que nous
parvenons à convaincre les membres de nos communautés par les explications que nous donnons et à encourager ceux qui ne font pas encore partie des LMMA à y adhérer. Quand nous parlons, nous savons exactement comment nous adresser aux gens et employer les mots précis pour faire passer le message.» explique-t-il.
En effet, ces leaders parviennent à convaincre toutes leurs communautés respectives à respecter diverses réglementations, telles stipulées dans leur « Dina ». Ils arrivent à mobiliser leurs pairs dans la mise en place de fermeture de pêche temporaire et définitive.
Leur rôle consiste également à gérer les conflits au sein de leurs communautés et à soulever les foules pour faire face à toute pression externe à laquelle ils font face . Mais plus encore, ils représentent leurs communautés dans les prises de décisions et les négociations.
Le statut de leader se mesure par la confiance que leur porte leurs communautés. Edmond Ramadany, par exemple, est un membre LMMA depuis les années 2000 et a toujours été réélu Président de sa communauté, à chaque élection.
Toutefois, ils font face à des freins qui empêchent le bon déroulement de leurs activités et de poursuivre les objectifs de protection et de gestion des ressources marines.
Les défis en tant que leader
Le manque de connaissance dans certains domaines (langues comme le français, la communication,...) les empêchent de mener à bien leurs missions. La plupart des leaders LMMA ont de manière innée cette capacité de leadership mais n’ayant pas toujours pu poursuivre très loin leurs études, ils ont besoin d’appui pour renforcer leur qualité. Razafy Michel souligne le besoin de capacités en négociation pour “pouvoir collaborer et travailler avec les Autorités.”
Dans cette optique, MIHARI a pour projet d’effectuer des sessions de formation de Leaders LMMA pour renforcer les capacités de ces leaders. L’objectif principal étant d’assurer leur développement personnel pour qu’ils aient confiance en eux en tant que point focal des LMMA. Les sessions se focaliseront sur le leadership, la communication, les techniques de négociation, la gestion d’association, etc. et divers thèmes spécifiques tels que la gouvernance, le Dina, l’adaptation au changement climatique, etc.
Ce fut un plaisir de rencontrer les quatre leaders LMMA du Nord-Ouest. Ils Ils ont tous réussi à remplir leurs rôles et leurs responsabilités, et leurs compétences en leadership sont très impressionnantes. Cependant, nous pensons que tous les leaders LMMA en tireront des avantages à participer aux sessions de formation de MIHARI. Ainsi, leurs compétences naturelles seront améliorées et ils seront également équipés de nouvelles compétences importantes.